Bien avant la pandémie à COVID19, plusieurs pharmacies utilisaient déjà la technologie et les réseaux sociaux pour se connecter avec les patients, entre autres par l’entremise de la plateforme Question pour un pharmacien.
Créée en 2016 par un pharmacien œuvrant en milieu hospitalier, cette plateforme permet à un nombre croissant de patients d’obtenir une réponse fiable au sujet de leur santé ou de leurs médicaments par le biais d’une téléconsultation avec un pharmacien communautaire de leur région respective.
Malgré le fait que la plateforme était en ligne depuis plus de 2 ans, très peu de choses étaient connues à son sujet, notamment ce qui motivait quelques 250 pharmaciens à y participer et la perception des patients au sujet de ce service.
L’étude financée par Réseau-1 Québec
À l’été 2018, l’équipe de Line Guénette, professeure-chercheure associée à l’Université Laval, et le concepteur de la plateforme initiait l’étude « Question pour un pharmacien: un service de téléconsultation offert par des pharmaciens pour prodiguer des soins de santé de qualité au Québec » après avoir remporté l’appel à projets de recherche sur les innovations et la bourse d’application des connaissances en 2017 et 2018, respectivement.
Le but de cette étude était d’apporter des connaissances au sujet de la plateforme, de ses usagers et de ses retombées afin d’informer le déploiement à plus large échelle du service au Québec.
Par le biais de sondages post-téléconsultation envoyés aux patients, de questionnaires avec des pharmaciens inscrits sur la plateforme, et d’entrevues semi-dirigées avec des pharmaciens non-inscrits et d’autres professionnels de la santé, l’équipe de recherche a réussi à colliger une quantité appréciable d’information au sujet de la plateforme. De plus, un atelier délibératif tenu à Québec en 2019 avec des décideurs du secteur des soins de santé québécois a permis de valider les résultats observés et de dégager des recommandations sur son déploiement.
Données qualitatives
Un professionnel de l’équipe de recherche a mené des entrevues individuelles semi-structurées par téléphone avec 8 patients utilisateurs et 21 professionnels de la santé (utilisateurs et non-utilisateurs) dans le but d’explorer des thèmes spécifiques tels que l’utilité perçue et les retombées potentielles de la plateforme. Les entretiens ont été transcrits et une analyse de contenu thématique a été réalisée.
Les participants ont mentionné que la plateforme était simple à utiliser, utile et accessible. Ils ont également perçu qu’elle promouvait la visibilité et la valeur des pharmaciens et permettait de mieux comprendre le rôle du pharmacien, parfois méconnu du public.
Certains participants ont mentionné avoir des réserves quant au délai de réponse, qui peut parfois atteindre 24 heures, quand les questions reçues nécessitent une attention immédiate. En somme, les perceptions des utilisateurs et des non-utilisateurs étaient pour la plupart positives et suggéraient que la plateforme puisse être présentée comme un outil complémentaire pour les patients.
Données quantitatives
À l’été et l’automne 2018, une enquête de satisfaction par sondage en ligne a été menée auprès des patients et des pharmaciens qui ont utilisé au cours des récentes semaines la plateforme pour décrire leur expérience et leur satisfaction à l’égard de la plateforme et explorer l’utilité perçue de ce service dans la province de Québec.
Au total, ce sont 53 patients et 27 pharmaciens qui ont répondu au sondage, ce qui équivaut à des taux de participation de 21,5 % et de 71,1 %, respectivement. La plupart (96,2 %) des patients étaient satisfaits ou très satisfaits de leur expérience avec la plateforme, ont déclaré que cela répondait à leur besoin (88,7 %) et ont convenu qu’ils n’auraient pas à consulter à nouveau sur le sujet discuté avec le pharmacien (75,5 %).
La principale motivation des pharmaciens à s’impliquer sur la plateforme était de répondre aux besoins des patients (85,1 %), de promouvoir leur profession (55,6 %), d’améliorer l’utilisation des médicaments dans la population (55,6 %) et d’accroître l’accessibilité à un pharmacien (51,9 %). Il a également été trouvé dans le cadre de cette étude que certains patients s’étaient rendus à la pharmacie après la téléconsultation. Les développeurs de la plateforme ont, depuis, initié des démarches promotionnelles auprès de nouveaux pharmaciens sur la base que l’implication sur la plateforme pourrait permettre l’acquisition d’une nouvelle clientèle. Cela a permis de faire grimper à 400 le nombre de pharmaciens connectés en septembre 2020
Quelques mots sur les implications d’être connectés sur la plateforme pour les pharmaciens
Les pharmaciens inscrits sur la plateforme engagent leur propre responsabilité quand il s’agit de répondre aux questions des patients, de la même manière qu’ils le font lorsqu’ils répondent aux questions reçues par téléphone. Leur assurance professionnelle couvre leurs activités, qu’elles soient réalisées sur le web ou au téléphone.
Afin de garantir que chaque rencontre entre patients et pharmaciens, sur la plateforme, est sécurisée et confidentielle, tous les renseignements personnels des patients sont hébergés au Canada et sont exclusivement accessibles après que le pharmacien se soit connecté sur la plateforme. Des courriels de notification sont envoyés aux pharmaciens pour les informer qu’une nouvelle question a été reçue. Les pharmaciens peuvent décider de la nature et de la quantité de courriels reçus.
Cinq pharmacies reçoivent le courriel au même moment pour les informer d’une nouvelle question. Le pharmacien le plus rapide est celui qui aura la chance de se connecter au patient. Le patient peut également choisir sa pharmacie pour poser sa question, dans quel cas seuls les pharmaciens de cette pharmacie reçoivent le courriel de notification.
Par l’entremise de l’outil développé par Question pour un pharmacien pour mesurer automatiquement certains issus suite à la téléconsultation (voir avancement technologique), il a été trouvé qu’environ 1 patient sur 5 avec lequel un pharmacien entre en contact via la plateforme passe à la pharmacie dans les heures qui suivent la téléconsultation.
Déploiement post-étude
Comme une proportion considérable (75,5 %) des patients ont mentionné qu’ils n’avaient pas eu à consulter à nouveau après avoir discuté en ligne avec le pharmacien, l’équipe de Question pour un pharmacien a initié des discussions avec des gestionnaires de cliniques médicales et des CIUSSS dès l’été 2019 pour discuter de la possibilité de promouvoir la plateforme par le biais d’affiches sur les téléviseurs et les murs des salles d’attente. Le but de cet affichage était d’inviter la population à poser leurs questions au sujet de la médication aux pharmaciens, maintenant qu’ils pouvaient le faire pendant qu’ils attendaient leur rendez-vous via leur téléphone intelligent.
55 cliniques médicales et 5 CIUSSS ont débuté l’affichage de la plateforme sur la base des données générées par l’étude. Les gestionnaires de ces établissements reçoivent depuis un rapport mensuel sur le nombre de patients-utilisateurs de la plateforme dans leur région.
À l’été 2020, Question pour un pharmacien a également été sélectionné par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et le ministère de l’Économie et de l’Innovation pour prêter main forte aux équipes de la première ligne en lien avec la pandémie de la COVID19. Depuis le 8 septembre 2020, les équipes d’infirmières de 3 centrales d’appels d’Info-Santé du Québec peuvent rediriger les appels reçus au sujet des médicaments (4 % de tous les appels) vers le réseau de Question pour un pharmacien, afin de pouvoir se concentrer sur les questions exigeant une évaluation et leur expertise. Ce projet pilote d’une durée de 4000 redirections s’inscrit dans un nouveau projet de recherche dans lequel interviennent 3 chercheurs du crCHUM. Ces chercheurs évalueront la faisabilité d’un tel corridor numérique entre le 8-1-1 et le réseau Question pour un pharmacien, telle que perçue par les infirmières et les pharmaciens utilisateurs.
Avancements technologiques au niveau de la plateforme post-étude
Les données qualitatives et quantitatives générées par le biais de l’étude financée par Réseau-1 Québec ont permis d’améliorer la plateforme de Question pour un pharmacien de façon significative, selon l’équipe de développeurs et de propriétaires. D’abord, des améliorations significatives ont été apportées à la plateforme en janvier 2019. Ces améliorations permettent à un plus grand nombre de patients d’être en mesure de poser une question via la plateforme en simplifiant les étapes pour y arriver. Ensuite, le sondage post-téléconsultation qui était envoyé manuellement à tous les patients a servi de base pour une nouvelle fonctionnalité lancée en novembre 2019 sur la plateforme. Cette fonctionnalité permet de recueillir, de façon automatisée, le degré de satisfaction et une rétroaction écrite des patients sur la téléconsultation avec le pharmacien. Cette donnée est ensuite fournie au pharmacien ayant répondu à la question. Le but de cette approche est de permettre aux pharmaciens de savoir si leurs interventions ont plu aux patients et ainsi de s’améliorer. Cela permet également au pharmacien de savoir si le patient a dû consulter ailleurs après l’intervention ou s’il s’est rendu à la pharmacie (voir figure 1).
Mais l’amélioration la plus significative ayant été engendrée par les données issues de l’étude est certainement l’inclusion prochaine d’autres professionnels de la santé sur la plateforme. Cette évolution est prévue pour la fin de l’année 2020 et sera liée à un changement de nom et d’image pour la plateforme (Question pour un pro). Tous les professionnels de la santé faisant partie d’un ordre professionnel et ayant un intérêt pour l’acquisition de clientèle ou le gain en visibilité que permet la plateforme pourront s’y inscrire.
Pour arriver à fournir à la population canadienne une plateforme «tout-en-une», l’équipe de Question pour un pharmacien travaille activement à catégoriser toutes les téléconsultations réalisées depuis 2018 sur la plateforme. L’objectif est d’entraîner un algorithme qui permettra d’identifier le ou les professionnels à qui la question doit être envoyée en fonction des mots employés par le patient au moment de la poser sur la plateforme. Cela s’inscrit dans les efforts collectifs de réduction des déplacements et du risque d’infection à la COVID19, alors que la deuxième vague est bien arrivée au Québec.
Alexandre Chagnon, pharmacien
Fondateur, Question pour un pharmacien