Ce texte fait partie d’une série de réflexions sur la première ligne en contexte de pandémie du Réseau-1 Québec. An English version is also available.
Présentement, grâce à mon système immunitaire un peu faiblard, je dois rester à la maison et ce depuis le 12 mars!
Je pourrais facilement me couper de tout ce qui se passe. Si je ne lis pas le journal, ni n’écoute les nouvelles je serais dans mon petit cocon. Mais non, je ne peux le faire, je me préoccupe des gens qui m’entourent…
Je suis patiente-partenaire sur plusieurs comités dans mon CIUSSS, dont celui de la prévention et contrôle des infections. Je porte donc ces équipes de soignants et de gestionnaires, qui ont réfléchi depuis plusieurs années à l’éventualité de ce qui nous arrive, tout en espérant que ça n’arrive jamais…Je suis en pensée avec toutes les équipes d’entretien et de désinfection qui travaillent sans relâche à garder les hôpitaux et CHSLD dans un état impeccable. Leur tâche était déjà lourde et on leur demande d’en faire encore plus, eux qui sont notre première ligne de défense contre la COVID-19.
Je suis aussi patiente coresponsable d’un projet de recherche qui, bien sûr, est sur pause. J’ai pu m’intégrer à des équipes d’infirmiers et travailleurs sociaux et voir leur travail de plus près. J’ai constaté leur dévouement, leur professionnalisme et surtout leur charge de travail immense. Depuis deux semaines, on leur demande d’en faire encore plus, de s’oublier et de se consacrer à une population à risque. Eux aussi ont une famille, des parents, des amis…et la peur de leur transmettre ce virus est sûrement présente dans leur esprit. Malgré tout, ils sont là pour nous.
Je suis impliquée dans un organisme communautaire et perçois l’inquiétude de tous ceux qui se sentent isolés, pas seulement physiquement mais psychologiquement. Pour plusieurs, le réseau de santé permettait de combler cet isolement, mais maintenant je crois qu’il est de notre responsabilité collective de prendre soin de cette population vulnérable.
J’ai aussi une famille. Mon conjoint travaille et est en contact avec plein de gens. Lui aussi pourrait attraper la COVID. Mon enfant n’a plus d’école, ne travaille plus, n’a plus de vie sociale, c’est difficile. À vingt ans on est plein de vie, on a plein de rêves, mais là, tout est sur pause… Mes parents restent à la maison, ils font leur devoir de bons citoyens, mais si ça dure longtemps, ce deviendra difficile pour eux, comme pour toute cette population qui se sent en otage dans sa maison.
Il y a aussi tous ceux qui sont là pour nous tous. Ils travaillent dans les épiceries, les pharmacies, les commerces et dans l’industrie agro-alimentaire. Ils sont policiers, ambulanciers, éducateurs en service de garde. Ils travaillent aussi dans les deux paliers de gouvernements. Nous nous devons de les protéger. Ils sont essentiels à notre survie.
J’ai décidé de faire mon devoir d’humain. Je porte bien sûr tous ces gens qui comptent pour moi, mais j’agis, dans la limite de mes moyens.
Je garde le contact avec mes parents, ma famille, mes amis. Vive le téléphone et internet! Je me suis engagée à entrer en contact avec des inconnus qui ont besoin de parler, même avec une inconnue! Je prends soin de mon conjoint, lui qui prend si bien soin de moi!
Mais, surtout, je reste loin de tous pour me protéger…mais surtout pour nous protéger tous!!!
En terminant, un mot de remerciement pour tous ceux sur la ligne de front :
Je tiens à vous remercier de tout ce que vous faites pour nous, usagers du système de la santé. C’est une situation difficile pour vous. On vous demande de vous consacrer à nous…Gardez quand même du temps et de l’énergie pour vous et votre famille. Ça aussi c’est important! Prenez soin de vous, pas seulement de nous. À très bientôt, j’espère!
Marie-Dominique Poirier
Patiente-partenaire, membre du Réseau-1 Québec